Il y a tellement de choses à dire... écrit-elle !
mercredi 05 décembre 2012
Vole entre les deux
mondes en visite
dans le volume
Surprends-les avec
un roseau qui tremble tant
qu'aucune lettre ne peut
coexister
peau contre peau
sans se détruire
[...]
ici plutôt que lors et
à présent plutôt que là
sans préjuger de la direction
qui l'accomplira
Régine DETAMBEL, Entre les deux mondes[Extrait], dans pas d'ici pas d'ailleurs,
Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines,
Présentation et choix : Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli, Aurélie Tourniaire,
Préface : Déborah Heissler, VOIX D'ENCRE , p.291.
Une carte qui vient du Népal. Elle a mis beaucoup de temps pour arriver jusqu'ici. Elle me parvient le même jour que celle de Nouvelle-Calédonie, qui elle, s'est perdue depuis l'été. Les périples sont des manières de relire le lien des épistoliers en l'exilant par rapport aux contingences et à la temporalité habituelle. L'échelle des signes vivants s'en trouve rehaussée... Elle me donne des nouvelles, lui m'en demande de si loin... Ce sont des êtres qui comptent, pour cela, j'en rends compte, dans ce moment d'écriture qui n'était pas du tout prévisible en me levant hier matin. Bouffées de tendresse et de gratitude pour les mouvements d'écriture qui accompagnent des pensées dont je recueille le nectar. J'aime finalement rester immobile dans ma ville, et que les autres voyagent pour moi, qu'ils en rapportent leurs différences, leur rapport particulier à la vie, hors-frontières familières. Je réalise encore que je n'aime pas partir, pas quitter, pas changer de repères dans ma vie... Je ne tombe même pas des nues en constatant que je préfère retrouver, accueillir et choyer, ceux qui viennent d'ailleurs, ceux qui ont eu le cran de passer des douanes , des mesquineries , des herses de protectionnisme étatique ou ethnique, des crapuleries de taxation du transit, ceux qui ont exporté leurs mots, afin d'éprouver leur langue maternelle dans un hors-champ du sens. Réduisant volontairement les possibilités de compréhension et partant, et la facilité passée d'insertion instantanée. Je les admire, mais je ne les jalouse pas. Je n'ai que le regret de ne pas pouvoir utiliser plusieurs langues pour exprimer ce que cette humanité ambulante m'inspire. Reste qu'Ulysse ou Pénélope auront fait le même voyage l'un vers l'autre, l'une vers celui qui ose s'aventurer et rebrousser chemin avec le sentiment de ne pas pouvoir rapporter l'univers dans sa besace ou sous son crâne. Je lis les mots en souriant. Des visages et des voix surgissent au milieu de mes phrases. Je me sens très bien accompagnée et disponible au rêve et aux flottements de mes perceptions mnésiques. C'est un état second mais primordial. Il s'enracine dans une expérience de dialogue dont je mesure le privilège au fil du temps. Il est rare de sentir aussi fort la présence qui parle malgré l'absence physique. Et c'est un vrai réconfort, une source de joie vive. Il y a tellement de choses qu'on ne sait pas dire... et simplement.
Mth P.